La théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner fait de plus en plus parler d’elle. Certains de ses détracteurs critiquent l’absence de démonstration scientifique de cette dernière, tandis que d’autres développent tout un tas d’outils et de pistes éducatives en s’appuyant sur ce que la théorie a à apporter. C’est mon cas depuis de longues années, notamment par du coaching, des formations données dans les écoles et aux parents ainsi qu’à la publication de trois ouvrages thématiques : Vaincre ses difficultés scolaires grâce aux intelligences multiples (2013), Motiver ses élèves grâce aux intelligences multiples (2016) et Motivez les enfants par le jeu – Utilisez les intelligences multiples (à paraître – 2018). Face à l’engouement, la curiosité et les critiques émises sur la théorie, il est temps de vous préciser ma vision des choses et mon approche pédagogique des enseignements d’Howard Gardner.
De la théorie…
La théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner peut être contestée à de nombreux points de vue :
- Par « intelligence », il entend habileté opérationnelle. Or derrière une intelligence se cachent plusieurs habiletés opérationnelles. Ce qu’il présente ne correspond-t-il dès lors pas plus à un talent qu’à une intelligence ?
- La théorie des IM ne résulte pas d’une démarche scientifique. Howard Gardner le reconnait lui-même. Elle ne peut donc pas être démontrée d’un point de vue des neurosciences.
- Howard Gardner considère que les intelligences sont indépendantes les unes des autres, alors qu’elles doivent parfois être mobilisées en même temps pour réaliser une tâche précise.
Je considère ces intelligences comme un ensemble d’habiletés qui, à force d’expériences, de découvertes et de nouveaux outils donneraient la possibilité de développer un talent ou un autre.
Aux pratiques de terrain
Dans les classes, je remarque que certains enseignants sont des adeptes du profilage et de l’étiquetage afin de justifier la situation scolaire ou l’orientation d’un élève. D’autres revendiquent des activités « intelligences multiples » sans pour autant avoir profondément repensé ces dernières pour développer des pratiques pédagogiques nouvelles et adéquates, probablement faute d’outils à disposition ou à cause de leur manque de profondeur.
Le profilage par le biais des intelligences multiples me semble être un outil intéressant pour travailler l’estime de soi d’un élève, ou pour mettre ce dernier en action. Cependant, ce profilage doit être en constante évolution et réévaluation, étant donné que les habiletés se développent tout au long de la vie. Rien n’est donc figé.
Toutefois, l’utilisation des intelligences multiples dans notre enseignement n’a pas d’intérêt si la théorie ne sert qu’à nommer des pratiques existantes, ou à justifier « l’incapacité » d’un apprenant à réussir dans un cours ou dans une filière d’enseignement.
Utiliser les intelligences multiples comme un levier d’apprentissage
La théorie doit, selon moi, constituer une grille de lecture des activités d’enseignement permettant de diversifier les pratiques pédagogiques et d’outiller au mieux les apprenants afin qu’ils puissent apprendre avec plus de plaisir et d’efficacité.
Les intelligences multiples ne doivent donc pas être envisagées sous un angle scientifique, mais bien comme une approche pédagogique qui a pour ambition de répondre aux problématiques des acteurs de terrain. Une approche qui sera donc amenée à évoluer et à prendre d’autres couleurs en fonction du niveau d’enseignement rencontré et des spécificités des publics. Les services (livres et formations) que nous proposons avec KMIM sont créés dans cet esprit. Ils se caractérisent par :
- Un contenu solide
- Des outils pour faciliter le travail des enseignants et favoriser le changement des pratiques
- Des pratiques pédagogiques et des outils qui ont été testés en classe par des enseignants.
L’avenir des IM
La pédagogie des intelligences multiples est en création. La littérature attenante se densifie, peu à peu.
De nombreuses écoles se lancent dans l’utilisation des intelligences multiples, sans doute parfois trop rapidement et avec trop peu de formation. Au Québec, niche de créations innovantes en pédagogie, une partie des établissements scolaires semble avoir tourné la page des intelligences multiples.
Je suis persuadé que le travail que je mène avec de nombreux enseignants depuis près de 10 ans constitue une réelle avancée par rapport aux premiers ouvrages sur les intelligences multiples qui se limitaient à exposer des activités ou à citer des outils. L’enseignement francophone en Belgique est renommé pour son aspect pratico-pratique. Aujourd’hui et demain, je m’inscrirai toujours dans cette logique en mettant en musique des pratiques multiples qui continueront à apporter des réponses toujours plus proches des problématiques rencontrées sur le terrain.
Par ailleurs, à mes yeux, il n’est pas nécessaire de tenter de faire valider scientifiquement la théorie des intelligences multiples. Cela n’est absolument pas indispensable au développement des pratiques pédagogiques liées à ce concept.
En attendant, nous espérons que ces quelques mots vous donneront un regard bienveillant et constructif sur la pratique des intelligences multiples. Depuis quelques temps, des articles critiquent à raison la théorie d’Howard Gardner uniquement au vu de sa non-reconnaissance scientifique. Ces propos ne tiennent pas compte de la spécificité de notre approche et écorchent le travail de terrain que nous, professionnels de l’éducation, faisons chaque jour.
Renaud Keymeulen
Auteur – Formateur – Méthodologue – Enseignant – Coach – Ludopédagogue – Directeur du centre de formation KMIM – Coordinateur pédagogique du Collège Da Vinci de Perwez – Membre de l’Unité de Recherche en Sciences et Techniques du jeu HE2B.