Pas une semaine ne passe sans que les médias français ou québécois ne relatent l’expérience d’un enseignant qui a pris le sentier de la classe flexible. La plupart du temps, on découvre alors un lieu gigantesque et aménagé avec du matériel onéreux comme des vélos pupitres. Un brin décourageant.
Depuis quelques temps, la Belgique envisage elle aussi la classe flexible. Quel professeur de maternelle, primaire ou secondaire pourrait résister à l’idée de donner cours dans une classe qui apporterait plus de confort et de plaisir à nos élèves, à construire un environnement qui aiderait chacun d’eux à mieux se concentrer et apprendre plus efficacement ?
Hélas, nous ne pouvons rivaliser avec nos cousins francophones. Tantôt nos bâtiments scolaires sont anciens et une classe est composée de plusieurs chambrettes, tantôt nos classes sont exiguës ou géométriquement issues d’une autre dimension. Résultat des courses… imaginer une classe flexible peut vite relever du parcours du combattant.
On pourrait croire que le manque d’école qui a amené à l’ouverture régulière de nouveaux établissements scolaires pourrait changer la donne. Si c’était aussi simple ! En effet les budgets et les délais pour mettre en place ces écoles sont bien souvent trop serrés. L’innovation passe alors à la trappe et cela freine les développements futurs.
Cet environnement désargenté oblige les écoles à répondre aux besoins les plus pressants ou à aménager sa classe flexible en mode débrouille, un ballon par ci, un meuble récupéré par-là, des coussins réalisés par des élèves, … Les classes flexibles noir-jaune-rouge naissent peu à peu, dans un joyeux esprit brocante. Les directions hésitent à investir… pendant que les enseignants investissent leurs temps… et leur argent.
En tant qu’expert « intelligences multiples », je ne peux toutefois que me réjouir de cette évolution que l’on doit encore une fois aux acteurs de terrain. Mais est-il normal que les initiatives émergent systématiquement d’eux, immédiatement confrontés à des freins financiers, hiérarchiques ou humains. Sans unir les forces, les idées et les fonds, il est normal que tout avance si lentement.
De plus, pendant que le Québec, la France et la Belgique franchissent les étapes dans l’installation de classes flexibles, je déplore le peu d’études sur l’impact de cet environnement sur les méthodes d’enseignement et les progrès des élèves. La médiatisation des classes flexibles ne mentionne jamais les modifications méthodologiques inhérentes à cet aménagement de l’espace.
Donner cours dans ce type de lieu implique une pédagogie active qui fait la part belle à la pédagogie différenciée, à l’apprentissage coopératif ou encore aux jeux-cadres de Thiagi. Encore une fois, les enseignants font ce qu’ils peuvent, sans matériel et sans formation, munis de leur motivation à toujours tendre vers le mieux. Acceptable ?
Cette carte blanche s’adresse à :

  • Nos politiques : il nous manque des moyens, il faut aider les directions à repenser les lieux d’apprentissage. Revoir la formation initiale des enseignants est nécessaire et évidemment le bienvenu, mais pourrions-nous en profiter pour non plus juste rattraper notre retard mais plutôt être avant-gardiste et force d’innovation ?
  • Nos opérateurs de formation : il faudrait proposer un processus de formation qui allie à la fois la mise en place d’une classe flexible mais aussi une formation qui cible la pédagogie particulière qui y est liée. Peut-on devenir compétent en suivant deux journées de formation par an ?
  • Nos enseignants : continuez à aménager des classes flexibles, tout en vous inscrivant dès que possible à des formations afin d’exploiter avec plus d’efficacité ce type d’environnement.

Aux acteurs de l’école de la débrouillardise que nous côtoyons chaque jour je dis aujourd’hui merci. Aux décideurs que nous sommes tous, je vous dis aujourd’hui que nous pouvons mieux faire.
Renaud Keymeulen